
Et la soirée de débuter avec Zoé Mansion, seule au piano, la jeune fille la voix assurée dégage une présence certaine. Deux reprises dont « Feeling Good », chanson d’Anthony Newley et Leslie Bricusse popularisée par Nina Simone et plus récemment par Muse, puis le groupe The Flood de la rejoindre pour la suite d’un set axé jazzy et blues, original pour une formation qui n’a sans doute pas encore la vingtaine. « Fever » de Little Willie John et enfin une composition ! Malgré quelques problèmes de transition, le groupe est techniquement au point, bassiste fretless, guitariste au look de Mark Knopfler, mais on regrettera que celui-ci ne s’aventure pas plus dans la composition. Il pourrait ainsi affirmer sa propre identité.

C’est au tour de Neon Feathers de proposer son punk-rock californien. Le groupe sait écrire des chansons dans le genre mais récite fidèlement ses gammes. On sent une volonté de complexifier des structures mais de manière trop systématisée, il faut savoir parfois être plus direct ! Les morceaux gagnent en efficacité lorsque le bassiste vient renforcer le chant, mais des harmonisations seraient un plus. L’ensemble se tient, mais nécessite encore du travail et une plus grande rigueur. Être carré, voilà la clef !

Difficile de tenir la scène lorsque l’on a un chanteur/batteur et que pour des raisons techniques on est cantonné au fond… C’est le périlleux exercice auquel a du se confronter Moonshine Blast qui a eu bien du mal à faire vivre son set. C’est dommage car le potentiel de ce groupe est réel. Sur une base rock, les musiciens élaborent des morceaux qui s’étendent, sans jamais pourtant perdre en efficacité. Un côté progressif, parfois plus hard FM, voire psyché, on regrettera qu’il n’y ait pas d’harmonies vocales car le groupe prendrait une dimension digne d’un Phantom of the Paradise ! Le Duke qui a vraiment des qualités vocales n’a plus qu’à entraîner ses ouailles dans d’autres sphères…

Seul groupe qui ne sera pas soumis au vote du public ce soir Kids from Atlas qui a remporté la finale à Lille. Et voilà un quatuor intéressant. Si celui-ci pratique un rock qui, excès de jeunesse oblige, pioche un peu dans tous les registres, force est de constater que le groupe sait se rendre accessible avec tes structures et des lignes mélodiques qui sont bien plus complexes qu’elles n’y paraissent. Sorte de shoegaze dansant grâce à une section rythmique efficace, de noise un peu crade avec des guitares afrobeat à la Vampire Weekend, KFA travaille intelligemment sur les intensités dans de longues phases instrumentales, et le chant alors de s’élever de ces montagnes où jouent les enfants.

Les Mushrooms proposent un répertoire des plus classiques. Des reprises de Bubblies, Téléphone (« Ça (C’est vraiment toi) ») ou des Rolling Stones (« Satisfaction ») dans des versions certes bien faites mais bien trop fidèles aux chansons originales. Deux compositions « Saturne » et « Mothers » qui font la part belle aux solos de guitares, tout en restant dans les clous. Il faut vraiment que ces quatre champignons dans le vent s’affranchissent de leurs influences et apprennent à se lâcher sur scène. De l’audace !

Un nouveau groupe avec un batteur/chanteur : Supernova. Plus classique dans son approche pop-rock, le chant se partage dans une belle complémentarité avec la claviériste, même si le travail d’harmonisation mérite d’être un peu plus poussé. Celle-ci est malheureusement campée au milieu de la scène et ce double lead immobilisé se révèle comme un vrai handicap, car on observe un sérieux décalage entre le son qui s’intensifie au fil du set, et ce qui se passe sur les planches : pas grand chose. Guitare et basse, qui par ailleurs assurent une réelle dynamique rock à l’ensemble, vont devoir se défaire de leur sobriété, pour casser ce côté figé, et Luna s’affirmer davantage, pour aller à la rencontre du public…

Le charisme n’est vraiment pas le problème de The Quiddlers, en effet ces quinquas n’ont pas encore joué une note qu’ils imposent déjà le respect. La machine se lance guitares en avant. Un rock influencé par les années 60 et 70. On pense à Dire Straits, à Lou Reed aussi, tout en sobriété mais quelle efficacité ! La voix est à moitié parlée, la technique impeccable, même si on aimerait parfois quelques lignes de chant plus marquées. C’est le cas sur un titre interprété par le guitariste lead, ou avec la présence d’une choriste au début du set. Peut-être une piste à exploiter même si sans faire particulièrement dans la nuance (quoique les lignes instrumentales sont plus complexes qu’elles n’y paraissent) le groupe sait se montrer redoutable !

Pas si évident de passer après et lorsque l’on voit Smelly Smoothie et ses 15 ans de moyenne d’âge s’avancer sur scène, on s’inquiète un peu pour eux. Belle erreur de notre part car ce jeune trio deux-guitares-batterie va nous faire l’un des sets les plus en place de cette soirée. Sans être une seule seconde dans la démonstration, ils enchaînent les titres avec une terrible efficacité dans une veine hardrockisante. Reprises de Slash ou du « Welcome to the Jungle » de Guns’n’Roses avec un petit côté sauvage qui manque désormais à ces permanentés. De bonnes compos également (« Black Mountains », « What Do You Say »). Un guitariste affûté (attention à ne pas trop faire de solos) et une chanteuse androgyne… Et quelle chanteuse ! Une voix habitée, dont le timbre vous emporte sous le feu des projecteurs (ndr : Fanny remportera, et pour cause, le prix de la meilleure interprète de la finale). Eux qui passaient le brevet la veille, finissent cette semaine en beauté !

Plus policé, ce Wild Groove Experience démontre une grande maîtrise instrumentale (sans doute le groupe le plus aguerrit techniquement jusque-là), le tout dans une vraie belle énergie. « Miss You » des Rolling Stones, quelques compositions et « Always On The Run » de Lenny Kravitz, on sent une envie de partager, un plaisir d’être sur scène, mais on aimerait voir se lâcher davantage ces talentueux musiciens, qu’un petit grain de folie se glisse dans la machine.

Des nappes synthétiques s’élèvent d’une salle plongée dans le noir. Mary Climbs fait une entrée remarquée avec une structure atypique, guitare, batterie, deux chanteurs. Ça ressemble à un boys band rock, belles gueules, un petit côté branleur… Tout pour plaire à ces demoiselles, même si le groupe n’est pas encore suffisamment tourné vers son public. Il y a du talent, des idées à foison, mais ça part dans tous les sens : les musiciens tournent sur les instruments, les structures se complexifient, le chanteur lead pas assez utilisé par rapport au chant parlé. Les éléments du succès sont là, il ne reste plus qu’à assembler correctement le tout et s’imposer une vraie rigueur pour avancer !

Chemises blanches impeccables, vestes de couleur, Zome de s’emparer de la scène pour asséner un rock inspiré par Arctic Monkeys dont ils feront d’ailleurs une reprise. Le groupe affiche une vraie envie de bien faire, un bon niveau technique mais cela reste encore très scolaire et manque de dynamique sur scène. Le clavier qui trône sur le devant de la scène n’est pas là pour aider, surtout qu’il ne sert qu’au dernier morceau, « Alexis et Nastassia », titre en français qui tombe un peu comme un cheveu sur la soupe… Avoir deux frontmen est sans aucun doute un atout qu’il va falloir exploiter dans des compositions aux influences mieux digérées.

Une intro sur un long solo de guitare et trois claviers pour laisser apparaître Mary Mad Inc, un groupe pop-rock à l’identité musicale forte, loin de ce qui nous a été proposés jusqu’alors en cette soirée. Une vraie densité dans les compositions qui mériteraient parfois d’être un peu allégées, car cette masse d’informations sonores ne permet pas toujours d’en distinguer toutes les subtilités, et ce malgré les ruptures rythmiques. Une richesse qui ne tolère de plus aucune approximation. Le point fort de cette formation reste la chanteuse, Inès Coulon, qui prend à elle toute la lumière. Beaucoup de variations dans sa performance vocale qui prendrait une dimension supplémentaire si elle avait davantage d’espaces pour s’épanouir. Si les musiciens font un beau travail d’accompagnement (attention malgré tout aux solos réguliers), reste à savoir si ce rôle de backing band, qui fonctionne bien, est un choix assumé.

Place aux frasques de Kick Paris qui pratique une chanson décalée qui puise aussi bien dans le reggae, la pop que dans le jazz manouche ou la folk. C’est pro (notamment à la basse et aux chœurs), c’est fun. « Lâchez-moi », « Y en a marre », « Super Hero », Eric Palud et ses musiciens, tous costumés, dévoilent un univers fantaisiste où les losers seraient les maîtres du monde. On regrettera de ne pas suffisamment distinguer ce soir ces paroles en français et la qualité du chant lead qui mériterait d’être un peu plus travaillé pour être à la hauteur de ce show.

Encore un très bon bassiste sur scène avec Impressions, groupe pop-rock sous l’influence d’un hard soft, l’un des jurés évoquant en off un « Scorpions sans guitares ». Le chant n’est pas sans rappeler Vegastar ou Kyo lorsqu’il est en français, sur disque (puisque l’album est disponible), on sera plus proche d’un Calogero, mais manque malheureusement un peu de puissance. C’est dommage, car "Au rythme des saisons" dévoile des nuances qu’on a eues bien du mal à saisir dans cette prestation.

Yoan Manesse, Matthieu B. Michon, Stéphane Gerber, Jérémi Derruppé et Lukas Pizon
En dehors des lillois de Kids From Atlas qui était déjà pré-qualifié, le public aura retenu au cours de la soirée Moonshine Blast, The Quiddlers, Smelly Smoothie, Zome, Mary Mad Inc, Kick Paris et Impressions qui seront départagés par le jury dès le lendemain à l’issue de la deuxième partie de cette finale.
Matthieu B. Michon
Photo de Christophe Pillard pour EMERGENZA