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15
2004août
SUJET : PARLEZ !
Je suis béat, stupide et amusé.
La grande finale mondiale du festival Emergenza vient tout juste de se terminer et je vois une centaine de musiciens, ils se saluent et se serrent la main.
Demain certains d’entre eux auront 12 heures d’avion, et d’autres 1 heure de voiture pour rentrer chez eux.
Certains ont gagné et sont contents, et d’autres n’ont rien gagné et sont contents quand même.
On pourrait croire qu’ils viennent tous de la même école ou de la même université. En les voyant comme ça on dirait qu’ils ont tous grandit dans le même quartier dans des familles semblables et avec des amis similaires.
Mais que peuvent bien avoir en commun un jeune qui a grandi dans un quartier bourgeois de Rome avec un autre qui vient d’une famille bulgare émigrée à Boston pour le faire étudier à la Berkley, ou encore avec un jeune musicien des dortoirs de Berlin avec un jeune de certaines banlieues françaises?
Et les voici tous là réunis. Tous identiques dans leur diversité, et surtout tous ENSEMBLE, à les voir ainsi il me semble même qu’ils s’entendent plutôt bien.
La périphérie de Philadelphie et les Champs Elysée, des dizaines d’après midis sombres et scandinaves à répéter dans l’Etat de Stockholm ou des soirées dans le garage adjacent à la salle de répétition d’une villa de Boston. Les petites et humides pièces du centre historique de Florence ou les merveilleuses salles hyper technologiques du centre de Munich. Ils sont tous là. Ensembles
Pour une fois je ne parle pas de ce que ces jeunes ont fait sur scène. Je ne parle pas de qui a gagné. Je ne parle pas de qui a perdu.
Pour une fois…, excusez-moi je suis ému. Ils nous ont tous eu. Oubliez Bush, Saddam, Blair, les multinationales et les skins. Ces 120 jeunes ont ici démontre qu’il suffit d’un territoire commun pour être bien ensemble. Je suis certain que s’il y avait eu un groupe iranien, chinois ou marocain tout ceci n’aurait pas été différent.
Ils nous ont tous eu. Des milliers d’heures d’antenne, des milliards de dollars de spots publicitaires, des centaines de milliers de tonnes de papier journal pour alimenter la peur de la diversité, tout ceci effacé par 3 jours de musique. Pas mal ! Je dirais qu’ils sont presque dangereux.
C’est peut-être grâce à la musique, ou peut-être du fait que les hommes sont moins imbéciles de ce que l’on pourrait penser, mais le signal n’est pas à oublier. Ces gens n’ont pas effacé les différences : il y a ici des groupes de métal, rock, pop, rap et la liste est longue. Des différences ? Bien sûr, d’énormes différences. Mais c’est ici que les choses deviennent intéressantes, chaque différence est vécue comme une opportunité. Chaque distance comme une nouvelle expérience, comme une vacance. Chaque contraste ou faiblesse comme un défi à relever avec plus de connaissance et talent. Et oui ! Ceci n’est peut-être pas le monde réel. Trois jours de rêve restent justement un « rêve ». Et pourtant… nous ferions bien de nous rappeler les vibrations qui émanaient quand, musiciens, journalistes, techniciens rentreront chez eux et recommenceront à planter les piquets du jardin délimitant ainsi leur espace vital. Sujet : Parlez !