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2004novembre
LES REGLES DU JEU
Perdre avec dignité est plus difficile encore que de gagner
J’avais un arrière arrière grand-père qui aimait inventer de nouveaux jeux. Un jour, il décida de prendre deux corbeilles à papier, de les attacher à deux parois, l’une en face de l’autre, et de créer… Un nouveau jeu.
Selon mon sympathique et inventif ancêtre, le jeu fonctionnait de la façon suivante :
Un groupe de personnes se divisait en deux, disons 5 d’un côté et 5 de l’autre. On choisissait une balle (la même pour tous !) et, la faisant rebondir, il fallait s’approcher de la corbeille accrochée à 3 mètres de hauteur et essayer de lancer la balle dans la corbeille de l’adversaire.
Assez simple. Chaque balle dans le panier valait deux points. Celui qui faisait le plus de points en une demi-heure gagnait.
Il était interdit de marcher ou courir avec la balle entre les mains, on ne pouvait pas frapper l’adversaire ou lui donner des coups de pied, on ne pouvait pas le poignarder (ni même porter un couteau sur soi pendant le jeu) et ainsi de suite.
De nombreux jeunes commencèrent à discuter les trop nombreuses règles « on n’y pense même pas !!! si je ne peux pas utiliser ma balle personnelle je ne joue pas ! » ou encore, « et pourquoi on ne peut jouer qu’une demi-heure ? Moi pour réussir à marquer des points de doit rester sur le terrain au moins 2 heures » ou encore un autre, « Moi mon couteau je l’ai toujours avec moi et je l’utilise autant que je veux, ce jeu est ridicule, il nous oblige à faire 2000 choses inutiles !!! ».
Néanmoins le sympathique vieil homme entraînât patiemment deux équipes de jeunes volontaires qui commencèrent à jouer. Une fois la première partie de l’histoire de « la balle dans le panier » terminée, l’équipe gagnante complimenta mon ancêtre pour son extraordinaire invention.
Les autres, l’équipe perdante, allèrent vers le vieil homme s’exprimant vivement : « ce jeu est une arnaque !! Les plus grands sont favorisés » ou encore « Le jeu est truqué, ceux qui courent plus et ont plus d’endurance réussissent à faire plus de points ! » Et un autre : « Moi je savais que tout était choisit d’avance, ceux de l’autre équipe sautaient plus haut que nous ! »
Un parent enragé : « L’équipe de mon fils devait gagner ! Ils étaient les meilleurs ! Vous avez truqué le jeu, vous avez utilisé une balle qui rebondissait trop entre leurs mains et qui rebondissait moins entre les mains des autres !! »
Une fois passé les moments de polémique féroce voici qu’à l’improviste tout le monde donne des conseils : « Excusez-moi, mais pourquoi vous n’utilisez pas une balle ovale ? » « Au lieu de dire qu’il faut la faire rebondir vous pourriez dire qu’il faut la lancer, et quand on la prend il faut courir jusqu’au bout du terrain ? » puis un autre « Selon moi, si vous voulez vraiment choisir la meilleur équipe vous devriez utiliser une cage au lieu des paniers et utiliser les pieds au lieu des main » et ainsi de suite…
Heureusement en ces temps, le sérieux et la rigueur morale mettaient à l’abri les doyens. Mon ancêtre, plus sage que je ne le serai jamais ne répondit pas que les règles étaient claires dès le début et qu’aucune règle est faite pour être changée en faveur d’une équipe ou de l’autre.
L’inventeur de ce jeu étrange se limita au silence, et sans prêter attention à ce qui se disait il insista sur les mêmes règles.
Certains nains s’éloignèrent très polémiques et frustrés écrivant des lettres de feu aux journaux, quelques bossus unijambistes allèrent sur Internet ouvrant un site contre ce nouveau jeu scandaleux. Mais comme il arrive toujours aux bonnes idées, la majeure partie des jeunes comprit et y prit goût.
En quelques années, le monde entier se rendit compte que même un nain, s’il est doué d’un rare talent que seul le destin attribue de façon inexplicable, pourait devenir un champion et, bien que ce soit lent, il finit lui aussi par aimer et apprécier le jeu de la balle dans les corbeilles à papier.