Si les nordiques ont pris l’habitude de remporter Emergenza (7 titres en 14 finales mondiales), les français n’ont obtenu que deux fois le Graal. En 2002 avec les néo-métalleux de Munshy qui avaient d’ailleurs raflé alors la plupart des prix techniques (meilleurs guitariste, batteur, chanteur et spectacle), le titre allant l’année passée à Obsolete Radio après plus de 10 ans de disette.
Pourtant ce deuxième titre est assez symptomatique d’une tendance qui fait que depuis 2009, un groupe français a toujours terminé dans les cinq premiers. Mieux, il y a toujours eu un français sur le podium ces quatre dernières éditions (Ruby Cube en 2011 et The Joking en 2012). Et dans cette dynamique, 2014 est sans aucun doute la meilleure prestation cumulée des deux groupes français puisque non seulement The Kitchies a fini à la seconde place mais Achille’s Family se hisse dans le Top 5 ! Allant de plus truster les prix techniques à la batterie.
Alors comment l’expliquer ? Il est clair que le niveau général a augmenté aussi bien en France qu’internationalement. Meilleure préparation, un investissement accru dans les différentes phases de sélection, des groupes qui très jeunes parfois n’ont rien à envier aux plus âgés. Autant d’éléments qui créent une saine émulation au sein de la scène française. Les deux groupes lauréats cette année en sont une parfaite illustration.
Les niçois de The Kitchies ont déjà tenté l’aventure l’année précédente mais à Lyon ayant déjà écumé tous les lieux possibles sur leur secteur. Cela leur a laissé le temps de parfaire leur set et surtout de composer des chansons bien plus consistantes, car si la qualité était là, il y avait encore un côté direct, un peu adolescent, qui a disparu dans les titres du récent "Fan" (lire la chronique). Une maturité qui a séduit le jury parisien qui les a estimés prêt pour Taubertal.
Grand bien leur a pris, car si sur scène on sent le groupe encore perfectible, celui-ci progresse vite, restant à l’écoute des conseils divers, sans pour autant s'y perdre, et s’appuie sur l’essentiel : des chansons ! Le public allemand ne s’y est pas trompé et de le voir alors danser sur ces titres percussifs, aux lignes mélodiques toujours finement ciselées et un chant facilement comparable à Brian Molko, mais bien moins caricatural. Vous l’aurez compris, The Kitchies a toutes les clefs pour faire un joli bout de chemin.
Le parcours de l’Achille’s Family est un peu différent. Constitué autour d’un batteur-chanteur charismatique, un bassiste excentrique, un guitariste affûté et un pianiste qui ne l’est pas moins, ils entraînent d’autres musiciens dans leur sillage new-funk, des choristes et des danseuses pour proposer sur scène un spectacle total… qui ne peut que déborder dans les salles qui accueillent et aura facilement enflammer le Bataclan lors de leur finale.
Un bon esprit aussi bien sur scène que backstage, une belle énergie canalisée par des musiciens experts (tous les quatre auraient pu repartir avec des prix techniques), deux cuivres qui font le job, une joie d’être sur scène qui se communique facilement au public qui se laisse alors aller à ce groove bien balancé, bien cadencé. Seul petit reproche : des morceaux qui rendent hommage au genre de manière trop respectueuse pour permettre de dépasser cette cinquième place. On aimerait voir un peu plus d’audace et encore plus de folie ! Mais l’aventure ne fait que commencer pour l’Achille’s Family…
Matthieu B. Michon