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Médiator : et si vous passiez à la porcelaine ? [matos]

Rencontre avec Cynthia Lefebvre qui réalise depuis 2013, sous le nom de Kaolin, des médiators en porcelaine, offrant aux guitaristes amateurs et professionnels de nouvelles perspectives sonores.



Si les guitaristes et, dans une moindre mesure et sans vouloir les offenser, les bassistes s’intéressent à leur son, en multipliant les essais d’instruments, d’amplis et surtout de pédales d’effets, il est un outil pourtant utilisé par la grande majorité et jusque là souvent négligé : le médiator (ou plectre en bon français, comme aime à le rappeler PV Nova). Or celui-ci est tout aussi important dans l’élaboration du son et donc de l’identité d’un musicien. Voici un peu plus d’un an que l'artiste Cynthia Lefebvre, d’abord sensibilisée au travail de la céramique, s’est penchée sur la porcelaine, puis le médiator pour proposer aujourd'hui un produit tout à fait innovant. Rencontre avec cette jeune entrepreneuse.

 

Qu’est-ce qui t’a amené à faire des médiators ?

Des amis guitaristes. On parlait de porcelaine, on parlait de médiators, on a fait le lien. Il y a des médiators dans tout type de matériaux (bois, métal, corne, plastique), il existe des bottlenecks en porcelaine ou en céramique, alors pourquoi pas des médiators ! C’était presque de l’ordre du jeu, du défi. Deux trois copains étaient intéressés, on a donc essayé et on s’est rapidement rendu compte que le son qui en sortait était totalement nouveau, par rapport à ce qu’ils connaissaient, extrêmement riche en terme de possibilités. Personne ne faisait cela, il y avait donc un fort intérêt à le développer. Tout était à faire !

 

Qu’apporte concrètement la porcelaine par rapport à d’autres matériaux ?

C’est un matériau froid qu’on peut rapprocher du métal et de la pierre, qui apporte un vrai plus au niveau de la résistance dans le temps par rapport au plastique. Et puis pour être schématique car c’est un peu compliqué, tout dépend de la forme, de l’épaisseur, du type de guitare utilisée, du style de cordes, du type de jeu… la porcelaine va apporter plus d’attaque, beaucoup plus de dynamique. Le musicien doit par contre éventuellement se réadapter car il faut avoir la souplesse dans le poignet et plus dans le médiator qui est forcément dur. Ça peut obliger à se requestionner sur la façon dont on prend en main cet outil qui est la base et, du coup, comment on attaque ses cordes, comment on aborde ses notes.

Tout est fait à la main. En quoi est-ce un plus ?

Le musicien peut avoir un médiator qui correspond idéalement à ses besoins en terme d’épaisseur, d'ergonomie, de prise en main, sur une empreinte, pas d’empreinte, en fonction de comment lui tient cet objet. Il ne va pas être obligé de placer ses doigts d’une certaine façon parce que le médiator est déjà pré-moulé, et a donc une forme qui ne va pas forcément lui correspondre. Là, la forme est définie uniquement en fonction du guitariste. Tout est faisable : le médiator peut être rond comme une pièce de monnaie, il peut faire 1 mm comme 4mm, il peut être complètement symétrique ou asymétrique, avec un côté très pointu ou un côté plus fin… Le musicien peut jouer sur toutes les différences de timbres et d’attaques possibles.

 

 

Et en terme de finitions ?

Il y a deux finitions qui vont apporter deux sons différents. Soit le médiator reste brut et il y a un côté plus rugueux, qui accroche un peu aux cordes. Ça donne un son très spécial et je pense que c’est un médiator intéressant si on cherche CE son très particulier. Et il y a les médiators qui sont émaillés. L'émail est une sorte de verni fixé à la porcelaine grâce à une cuisson à haute température, qui permet au médiator de glisser un peu plus sur les cordes. Le son est alors plus précis et sans doute plus proche de celui obtenu avec un médiator traditionnel. Certains musiciens avec lesquels je travaille vont avoir besoin de plusieurs médiators pour certains de leurs morceaux. Ça permet d’avoir des couleurs en plus, au même titre qu’un guitariste peut être amené à jongler entre plusieurs pédales.

 

Et d’un point de vue esthétique ?

La porcelaine au départ c’est blanc et la plupart des médiators que je fabrique sont blancs. Après, il est tout à fait possible d’envisager de la couleur, un logo, un dessin, un mot ou de tailler dans la forme. J’ai fait, par exemple, une série qui s’appelait "Été indien" et qui ressemblait à des pointes de flèche en silex. La seule limite, c’est la surface du médiator.

 

Est-ce que la dureté de la porcelaine n’entraîne pas une plus grande casse au niveau des cordes ?

Ça dépend des musiciens mais les retours que je peux avoir ne vont pas dans ce sens, même s’il faut faire peut-être un peu plus attention à la table.



Essayage avec Lee Ranaldo (guitariste de Sonic Youth)

 

Avec quel type de musiciens travailles-tu ?

Je travaille avant tout avec des musiciens qui sont curieux et intéressés par de nouvelles sensations. C’est un contact qui est différent et ça n’est pas toujours facile de changer d’outil, de changer sa façon de faire et de voir les choses. C’est une porte qui s’ouvre, à chacun d’utiliser cet outil là comme il le souhaite. C’est sûr que des personnes comme Marc Ducret, comme Lee Ranaldo (Sonic Youth) sont des gens qui ont une soif de nouveautés, une sensibilité ! Mais pour moi ça n’est pas du tout une histoire de style musical et ça se confirme par la multitude des genres que jouent les musiciens qui utilisent mes médiators, du jazz au rock, post-rock, krautrock, métal expérimental… Il n’y a pas de frontières, il n’y a pas de barrières. Et je remercie d’ailleurs ceux qui ont bien voulu se lancer dans cette aventure et voir où ça pouvait les mener.

 

Quels sont désormais tes projets ?

J’espère que Kaolin pourra se développer davantage, que de plus en plus de musiciens découvrent et aient plaisir à jouer avec ces médiators ! Aujourd'hui c’est une petite production parce que tout est fait main, mais j’ai dans l’idée de développer une partie autrement pour pouvoir travailler en collaboration avec des magasins de musique, des festivals, des structures de musiques actuelles et que ça ne soit plus uniquement du bouche à oreille. J’ai plein d’idées, plein d’envies. À chaque fois que je rencontre un nouveau guitariste, il apporte sa touche personnelle et je suis persuadée qu’il y a encore des milliers de choses à faire avec ces petits objets. De mes rencontres et de mes échanges, je suis aussi en train de développer d’autres objets qui pourraient permettre, au même titre qu’une pédale d’effets, de repenser le rapport entre le matériau porcelaine, ses qualités propres, les cordes, le bois de la guitare et le son final, sans passer par l’électrique ou l’électronique.

 

Serez-vous les prochains à vous lancer dans cette aventure ?

 

Propos recueillis par Matthieu B. Michon

 

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