Bon je suis un personnage classique des salles parisiennes, à la fois musicien et programmateur d’une salle où j’ai aussi des billes. Je crois être pas mal placé pour comprendre les dynamiques des uns et des autres.

J’ai entendu des milliers de fois des musiciens se plaindre des programmateurs et des patrons de salle et je ne compte pas le nombre de fois où j’ai entendu la réciproque. Il semblerait que ces deux mondes forcés de se fréquenter pour leur intérêt mutuel, considèrent systématiquement l’autre comme genre d’adversaire, comme si l’un dominait forcément l’autre.
Je pense qu’avec un peu de compréhension et en évitant quelques attitudes déplacées, quelques hypocrisies et pas mal de mensonge tout pourrait à peu près rentrer dans l’ordre.

Les 5 mensonges insupportables que j’ai entendus dans la bouche de musiciens :
1) Nous on joue un style totalement différent des autres. Tu sais notre groupe est assez unique, il est issu d’expériences diverses, beaucoup plus intéressant que les merdes que tu peux entendre habituellement.
Mon dieu ! Si vous saviez le nombre d’ado amateurs qui m’ont sorti cette rengaine. Allez, au lieu de vous la jouer, essayez de me faire comprendre ce que vous faites. Si vous vous vendez bien, j’aurais sans doute envie d’écouter votre démo avant les 30 autres que je reçois chaque jour. Si vous êtes vraiment uniques je devrais trouver les moyens de m’en apercevoir.

2) « On attend plein de gens qui vont venir sur place ce soir ». Arrivés au jour du concert, deux heures avant le début, 2 préventes ont été achetées à la FNAC et immanquablement, cette phrase pour le moins abusive est prononcée. Celle là je l’entends depuis 20 ans, toujours aussi risible.
Chers musiciens, vous savez parfaitement que si personne n’avait rien à faire de votre concert jusqu’à aujourd’hui, ce n’est pas ce soir que ça va changer. Vous pouvez le raconter aux autres, vous le raconter. La réalité arrivera rapidement pour démontrer que les promoteurs qui annulent les concerts, si les préventes vont mal, ont raison.

3) « Quel besoin il y a de faire une balance ? On a juste besoin de 10 minutes avant le concert, rapido. » Je comprends que jouer face à un public c’est plus marrant que de s’organiser pour être tous présents l’après midi et de régler les sons avec attention. Mais comment faire un concert sans une balance un peu sérieuse ? Le je-m’en-foutisme est un des plus grands ennemis de la musique.

4) "Eux c’est notre maquilleuse, notre manager, son assistant, notre RP, notre roadie, notre assistant technique, le gars qui s’occupe de la sécurité, le photographe, les 3 gars de l’équipe vidéo et note designer graphique » Mais vous y croyez vraiment ? Si l’objectif c’est de chopper de bières, repas et des entrées gratuites, allez voir les restos du cœur ?
Moi, ici je bosse et je ne connais personne qui a réellement besoin que les musiciens prétendent que leur copine ou leurs potes font partie du groupe pour chopper des pass à l’œil.


5) C’est la fin de la soirée. « Tu sais, ce soir on vraiment pas eu de chance, il y avait le match de ligue des champions et la nuit blanche, mais d’habitude on déchire tout, mais donne nous une autre date et tu vas voir ce qu’on peut faire. »
Bref retour au point numéro 2 mais 5 heures plus tard. Au lieu de repartir penauds et de prendre l’occasion pour réfléchir à comment arrêter la collection de bides, la rock star du trottoir sort sa bêtise de plus. Mon conseil à mes amis programmateurs, payez leur une bière en échange de la promesse qu’ils ne reviendront plus. Vous économiserez du temps et de l’argent.

Quand arrive le vendredi, je redeviens souvent musicien, mes associés restent à la salle et moi je vais jouer. Je serais plus que content de me passer des gérants qui nous disent que :

6) "On voit comment ça se passe et ensuite on se met d’accord".
Qu’est ce que ça signifie ? J’aimerais comprendre. A la limite si on me disait, je te donne 100 s’il y a 30 personnes, 400 s’il y en a 300. Mais « on verra comment ça va et ensuite on se met d’accord », mérite pas réponse la plus classique, « ok, parfait, je reste chez moi et on voit comment ça va ».

7) « Notre salle est parfaite pour le live. Amenez juste vos amplis, batterie, micro, retours et sono et aussi un peu de light si vous en avez ». Je comprends que le matériel technique coûte cher. Mais c’est au moins aussi vrai pour les pompes à bières, les tables, les chaises ou les sanitaires. Et j’imagine mal mon « collègue » propriétaire essayant de convaincre les clients dehors en leur demandant de s’amener tables, chaises et pack de 24.

8) « Quel besoin il y a de faire une balance ? Vous avez juste besoin de 10 minutes avant le concert, rapido. » Je comprends que bosser uniquement le soir c’est plus marrant que de s’organiser pour faire en sorte que ça sonne bien. Mais comment est ce que l’on peut organiser un concert sérieusement sans balance ? Le Je-m’en-foutisme est un des plus grands ennemis du commerce.

9) « vous pourriez jouer sans batterie ? Les gens se plaignent que ça fait trop de bruit. » Oui évidemment avec plaisir. Par contre pourriez vous arrêter de vendre de l’alcool parce que dans le groupe nous sommes straight edge et on pense que c’est mauvais pour la santé.
Cher gérant de salle, si je propose un projet auquel tu adhères, « épouse » le réellement tel quel, sinon ne le fait pas.

10) Le meilleur pour la fin…. « ça s’est passé pas top (la salle était bondée) et surtout s’était quasi uniquement un public d’habitués (c’est marrant nos amis qui étaient présents ne viennent jamais dans cette salle) ». Mais quoi !!!!! C’est nous qui avons fait toute la promo de la soirée. Nos fans ont répondu en masse. Le bar a fini jusqu’à la dernière goutte d’alcool disponible, même une bouteille de liqueur d’ail du lubéron de 1953 qu’il aura mieux valu ne pas trouver.
Et toi le proprio tu veux essayer de me faire croire que tous les soirs, la salle est pleine comme le métro de Tokyo à 7 :00 le matin. Pauvre crédule que je suis, à moi de réfléchir davantage au point 6 à l’avenir.

Pour faire bref, ma formule idéale prévoirait moins de bobards, plus de clarté et davantage d’envie de produire des succès ensemble pour le bénéfice des salles et des musiciens. La musique qui est notre passion à tous aura tout à y gagner. Et nous aussi.